


Hicham Temsamani
Expert en e-Santé & Ingénieur biomédical de formation, Hicham Belkassem Temsamani a débuté sa carrière au Centre National d’Etudes Spatiales (CNES)…
La transformation numérique en Santé modifie les interactions, et parfois les rapports de force, entre hôpital public et hôpital privé, entre hôpital et médecine de ville, entre autorités de Santé, payeurs et acteurs industriels etc … jusqu’à finalement transformer la relation entre le système de Santé et le public, qui sera tout à la fois usager, aidant et bien sûr potentiellement patient. A l’instar de la médecine des 4P, c’est l’avènement de la médecine des 4C: il faudra ainsi de plus en plus composer avec un public certes Citoyen et Consommateur, mais aussi Contribuable …et Client !
En d’autres termes, c’est cette transformation numérique inéluctable qui est le véritable moteur de l’avènement d’un système de Santé de nouvelle génération, affranchi des fonctionnements en silo et, qui avec un modèle économique plus pérenne, sera capable de proposer à ses usagers des services de prévention, de soins et de suivi dans un parcours de Santé qui devient la véritable unité de lieu d’exercice de la médecine.
Les crises sont souvent porteuses de progrès. A cet égard, la Covid-19 a permis d’accélérer encore davantage cette transformation notamment par la généralisation de la télémédecine et l’avènement de son modèle économique dont on ne mesure pas encore tous les effets de santé publique et économiques.
Elle est inéluctable car l’usager exigera de plus en plus à l’avenir d’accéder à « ses » services et données de santé comme il accède aujourd’hui à ses services bancaires, assurantiels ou même administratifs. Cette transformation se traduit par un volume croissant des données de Santé générées en masse chaque seconde par tous les acteurs.
C’est ainsi que la donnée numérique en Santé devient le contenu et le contenant des usages en Santé. Elle constitue les murs numériques de l’hôpital comme de la clinique privée, des maisons de santé ou du cabinet en ville, elle constitue aussi l’avatar numérique du patient et enfin l’outil du professionnel de santé. La donnée numérique de santé est porteuse de progrès scientifiques et cliniques qui grâce à l’Intelligence Artificielle donne accès à des gisements formidables de recherche, d’innovation, et à de nouvelles capacités de diagnostic, de traitement et d’optimisation des coûts dans tous les secteurs. Elle nécessite le développement de nouveaux métiers dans le domaine du soin où nous aurons par exemple besoin d’experts scientifiques des données (data scientists), dans les nouvelles technologies numériques où il faudra se doter des bonnes compétences en interopérabilité, en cybersécurité, sans oublier le domaine assurantiel où il faudra couvrir de nouveaux risques et enfin dans celui de l’éthique médicale, seule garantie d’une adoption éclairée et raisonnée de ces nouveaux usages.
Le Ségur de la Santé a mis en place, à l’échelle nationale, un socle de services et de standards – INS, e-CPS, Pro Santé Connect, MSSanté, DMP… – essentiels pour garantir l’interopérabilité, la sécurité et la fluidité des échanges de données de santé entre établissements, professionnels, éditeurs de logiciels et, in fine, patients et citoyens.
La déclinaison régionale est en cours, dans un paysage où les dynamiques locales sont à la fois riches, variées… et d’avancement inégal. L’expérience de terrain l’a démontré : la maturité numérique varie fortement d’un territoire à l’autre, selon des facteurs multiples : ressources humaines, qualité des infrastructures, mode de gouvernance, historique des coopérations locales.
Dans ce contexte, l’uniformité imposée serait contre-productive. Le déploiement doit être adapté, progressif et stratifié, en s’appuyant sur l’existant, les besoins concrets des patients et les priorités des professionnels, dans le cadre de projets de soins clairement définis. Cette approche favorise l’adhésion, et l’adhésion est le moteur de la transformation.
La véritable innovation réside dans notre capacité à définir la prochaine trajectoire, en France comme en Europe, afin d’être force motrice de cette tendance mondiale, de l’anticiper plutôt que de la subir, et de faire rayonner à nouveau l’excellence médicale française.