Hicham Temsamani
Expert en e-Santé & Ingénieur biomédical de formation, Hicham Belkassem Temsamani a débuté sa carrière au Centre National d’Etudes Spatiales (CNES)…
Assurer un accès aux soins équitable en tout point du territoire et sans perte de chance pour tous est une équation difficile qui se pose de manière globale à tous les pays dans le monde.
Le Maroc, comme d’autres pays africains, doit aujourd’hui relever les défis posés par les transitions démographique et épidémiologique résultant pour l’essentiel en une augmentation croissante de la demande de services de Santé. Il doit répondre à cette demande avec des infrastructures et des ressources de Santé publique et privée qui ne sont pas aussi denses que celle des pays les plus développés.
La construction de nouveaux établissements de santé, la généralisation de la protection sociale à tous les citoyens, la mise en place d’un identifiant unique ainsi que le déploiement de systèmes d’information de Santé partagés sont des étapes essentielles de la transformation du système de Santé marocain. Le développement de la Télémédecine à un niveau systémique et les apports de l’Intelligence Artificielle permettront de construire et de promouvoir cette nécessaire transformation vers un système de Santé de nouvelle génération davantage axé sur la prévention, la formation, la Recherche et plus proche des standards internationaux.
En France, les Centres Hospitaliers Universitaires ont été mis en place au siècle dernier pour assurer l’Enseignement et la Formation médicale, la Recherche clinique mais aussi pour distribuer de manière égale sur le territoire national l’excellence médicale et l’exercice de la haute médecine, sans oublier leur mission de Santé Publique.
Le territoire sanitaire couvert par un CHU dépend de plusieurs facteurs, notamment de la population de la région, de la densité démographique, des besoins spécifiques en matière de santé et des moyens de transport de patients à disposition. Dans le cas des actes complexes et spécialisés, ou en situation de crise, les patients peuvent être transférés depuis des régions très éloignées. Pour les situations d’urgence, comme pour les centres hospitaliers et centres hospitaliers régionaux, ce territoire correspond à un rayon de 50 km autour de l’établissement c’est-à-dire à un temps de transport moyen de 30 mn.
En raison de la forte proximité des systèmes de Santé, le Maroc a mis en place une organisation similaire avec les mêmes objectifs et principes de fonctionnement. Dans les deux pays, nous sommes aujourd’hui confrontés à la limite du modèle. L’unité de lieu de l’exercice de la médecine n’est plus l’enceinte de l’établissement de soins mais le parcours de Santé du Patient à condition qu’il puisse être coordonné et que l’information de Santé puisse être partagée.
Le Maroc a une opportunité historique d’apporter une véritable innovation dans la re définition du modèle du CHU et de son rôle dans l’organisation des soins tant au niveau territorial que national pour combler et dépasser les faiblesses du système actuel.
Imaginons un nouveau modèle de Centre Hospitalier Universitaire hybride entre un CHU traditionnel et un aéroport standard. Cet établissement disposerait de davantage de moyens de transport de patients, de mobilité pour les personnels de Santé et de fret qu’un établissement standard. Les fonctions d’éducation, d’enseignement et les capacités de réalisation des actes complexes de médecine resteraient les mêmes. Une première différence résiderait dans l’augmentation mécanique du territoire géographique couvert, y compris pour les situations d’urgence, car les moyens logistiques seraient plus développés.
La véritable innovation consisterait en la capacité d’étendre chaque service de spécialité clinique au-delà des murs de l’établissement grâce au développement d’unités mobiles qui pourraient parcourir de manière continue un plus grand périmètre que celui couvert par un CHU traditionnel pour apporter un service médical de proximité soit par les moyens de télémédecine soit en rapatriant le patient vers l’établissement compétent le plus proche tout en utilisant un système d’information commun. Les populations des zones isolées qui n’étaient jusqu’alors pas prises en charge pourraient être suivies de manière continue et bénéficier des mêmes soins et services de prévention que celles des zones les mieux dotées.
Cet établissement numérique, fort des compétences d’un Centre Hospitalier Universitaire traditionnel et capable de projeter ses moyens de Santé sur de vastes territoires sanitaires avec la même précision et la même efficacité logistiques qu’un hub aéroportuaire permettrait de concevoir un nouveau système de Santé moins gourmand en infrastructures, répondant à la demande sans cesse croissante dans un cadre économique contrôlé et capable d’anticiper les évolutions futures.
Le Maroc a en effet aujourd’hui une opportunité historique de bâtir un nouveau modèle de Centre Hospitalier Universitaire contribuant à l’amélioration de l’offre de soins pour l’ensemble de la population et constituant un leadership dans le domaine de la Santé sur tout le continent africain.
